Ce Carnet Ludographique -qui continue nos réflexions sur « l’Art d’être Joueur »- a été conçu et enregistré avec Julien-de-chez-Smith-en-face (les Voix d’Altaride ont d’ailleurs publié un très intéressant podcast sur « Peut-on tout jouer en JdR ? » enregistré avec les compères Coralie David et Jérôme Larré).
On s’y préoccupe cette fois de la nécessaire « mise en jambes » de début de partie à travers des notions comme…
- le vocabulaire rôliste, dont la narration « encore plus partagée que d’habitude »,
- les droits (et les devoirs subséquents) des joueurs,
- l’état d’esprit nécessaire à nos explorations imaginaires, qui démarre lors de la création de perso,
- la mise en condition, les habitudes et les rituels de début de partie,
- l’échauffement, la mobilisation des cerveaux et la montée en régime de la créativité,
- s’approprier l’exposition pour mettre en scène et approfondir les PJ,
- les joueurs comme co-scénaristes des parties, participant à créer de l’histoire et du jeu à travers leurs personnages…
Et on en profite pour vous signaler l’article d’Eugénie sur le même sujet, qu’on remercie au passage d’avoir participé à la préparation de ce numéro.
La suite, donc le CL#15 à paraître début janvier si on a survécu à la Saint Sylvestre, prolongera le sujet à travers la communication créative en cours de partie : comme toujours, n’hésitez pas à nous poser toutes les questions que vous voudrez dans les commentaires…
Et demain on publie l’interview de Thomas Munier enregistrée aux Utopiales : on est au taquet ! 🙂
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Pourquoi revenir au désuet « narration partagée » alors que l’expression correcte, explicite et utilisée de nos jours est « autorité partagée » ?
Conservatisme ? Archéologie ?
Quelle délicate formulation…
Parce qu’il n’est pas « désuet », justement : des gens, encore loin d’être majoritaires, emploient maintenant « autorité partagée » (en sous-entendant « autorité narrative partagée ») plutôt que « narration partagée », essentiellement pour se mettre en conformité avec les évolutions des théories anglo-saxonnes. C’est pas une connerie, d’ailleurs : les idées évoluent, ceux dont les théories francophones sont inspirées par ces idées anglo-saxonnes suivent justement cette évolution, c’est complètement logique.
Mais ça n’oblige personne à s’aligner sur leurs choix, car personne ne leur a conféré l’autorité linguistique de dicter aux autres rôlistes quel mot employer pour quelle notion : l’évolution du lexique commun est affaire de promotion volontaire et (surtout) d’adoption naturelle ; l’évolution du vocabulaire individuel est un choix personnel, que je n’entends pas qu’on me dicte (je suis prêt à en discuter, note bien, mais ça va nécessiter un ton légèrement moins péremptoire, merci).
Plus particulièrement, le terme « autorité partagée » pose un problème sémantique.
Car tant qu’on ne précise pas que l’autorité dont il est question est narrative, ce partage fait référence à quelque chose de beaucoup plus large que la seule « narration plus partagée que d’habitude » : ça implique également un partage de l’autorité ludique (qui est une toute autre question puisque elle renvoie aux règles admises pour un jeu, soit aux notions de « référent commun » -donc de l’autorité du texte- et par conséquent de « contrat social », qui n’est pas le sujet du CL#14, mais qu’on abordera de facto dans le CL#15), de l’autorité organisationnelle (qui organise les parties, comment se négocie l’agenda, etc.) et même « thématique », dans le sens où ça peut même poser la question « qui décide d’à quel jeu on joue » (et la réponse à cette question est infiniment plus simple pour les jeux sans MJ).
Si toutes ces questions sont intéressantes en elles-mêmes, nous ne traitions ici que du partage de la narration, et on employait donc le terme qui nous paraît le plus approprié pour décrire cette notion… Ce que nous expliquions assez clairement en début de podcast.
Salut Sébastien
Je pense que Fekhynn a utilisé le terme « désuet » car ça fait plus d’un an et demi que ce débat a eu lieu (ex : http://awarestudios.blogspot.fr/2014/04/5-expressions-de-jeuderologie-jai-du.html), et que c’est surprenant de le réentendre dans un CL, où vous êtes plutôt rigoureux.
Concernant l’évolution du lexique commun : justement, à vous de servir d’exemple et d’être vigilants sur les termes que vous employez. Vous êtes écoutés !
Quant aux multiples sens de l’autorité, ce n’est pas très honnête…
On est dans le contexte du JdR. Parler d’autorité organisationnelle, c’est comme dire « Attention lorsque l’on parle de contrat social, car il s’agit peut-être du bouquin de Rousseau ». Ou « Lorsqu’on mentionne un jet de dé, il est important de préciser qu’on fait référence à un tirage aléatoire, et non à une lapidation ».
Ton autorité organisationnelle n’est pas propre au JdR, donc pas d’ambiguïté possible.
Reste l’autorité ludique, que j’ai du mal à cerner. Je n’ai trouvé aucun texte utilisant cette expression. Est-ce que tu parles des personnes qui sont responsables de la connaissance du système de jeu ? Dans ce cas, encore une fois, ce n’est pas propre au JdR, on a la même chose pour les jeux de plateaux. Si tu touches au contrat social, ça me parait contradictoire car justement celui-ci se base sur un consensus.
Bref, dans le contexte théorique du jeux de rôle, je vois mal une autre référence dans autorité partagée que l’autorité fictionnelle (qui serait plus sémantiquement correct qu’autorité narrative : en effet, l’intégralité de la fiction n’est pas forcément narrée).
Et pas de bol autorité partagée et narration partagée sont sensiblement différente.
Plus d’explication dans l’excellent diptyque de Brand sur la question: http://www.tartofrez.com/autorite-et-narration-12/
J’approuve plutôt la précision « autorité fictionnelle » puisque, en effet, toute la diégèse n’est pas « narrée ». Je ne sais pas si je l’emploierais courament, mais ça mérite probablement d’être mentionné au prochain numéro.
Par contre, vraiment, j’étais parfaitement sincère lorsque je parlais d’autorité ludique et logistique (terme qui me chauffe moins l’oreille que « organisationnelle », maintenant que j’y pense) : je crois que ce sont des choses qui peuvent vraiment se partager (c’est à dire que je le pratique, donc je sais que c’est « plus que possible »), que des styles de jeu impliquent justement de les partager et que la « tyrannie du MJ » ou la passivité des joueurs peut être interrogées jusque là.
Si, si.
Quand à l’argument « nous avons déjà eu ce débat, on l’a réglé avec mes potes et on voit vraiment pas pourquoi d’autres gens en discutent encore », je ne saurais pas répondre grand-chose d’autre que ce que j’ai dit à Fekhynn : vous n’avez pas vraiment le pouvoir de décider si un débat est clos ou pas, ni celui d’imposer une terminologie pour l’ensemble de la communauté rôliste.
Je comprends bien que ce soit frustrant, moi-même j’aimerais parfois pouvoir ordonner au monde de tourner selon mes choix, mais je n’ai ni le pouvoir ni la légitimité pour ça. Ça m’embête, d’ailleurs, mais ça vaut sans doute mieux pour le reste de l’humanité… }:-)
Doc, l’ancienneté de l’article que tu cites excuse son flou et son approximation.
Mais s’il faut bien en retenir quelque-chose, c’est bien que pour Brand les deux notions sont les mêmes.
En effet, il définit la narration partagée, en substance, par « C’est lorsque des gens qui n’ont pas l’autorité font quand même ce qui ne leur est pas permit ».
Bref : « la narration partagée c’est lorsque l’autorité est partagée ». Tu comprends ?
Comme Sébastien je n’ai pas l’impression que le débat est clôt car mon expérience personnelle arrive encore à faire la distinction. Le débat que tu cites était intéressant et je l’ai suivi mais je n’ai pas eu l’impression qu’on en avait fini avec la question…
Nolaz : quel flou et approximation ? En tout cas, pour moi, il s’agit de deux choses différentes. Par exemple, tous les cas très courants où on te demande dans un jeu de proposer quelque chose mais que tu dois le faire avec l’accord du meneur (ou que celui-ci peut te dire non), on est dans un cas où on partage la narration mais pas l’autorité et où il y a une différence entre les deux. Toutes les mécaniques de type veto par exemple font dans les faits une distinction entre narration et autorité. De même dans beaucoup de partie d’AW, avec la mécanique des questions aux personnages, on se retrouve avec des règles appliquées qui tiennent de la narration partagée, mais pas de l’autorité partagée par exemple.
Et si on rajoute la notion de responsabilité, c’est sans doute encore une troisième nuance.
Cela dit, ça fait un moment qu’on a prévu de faire un article sur le sujet avec Coralie, en combinant un modèle à elle développé pour sa thèse avec un des miens. Il faut juste qu’on trouve le temps.
Sinon, pour le reste, on peut refuser le terme « narration partagée » parce qu’on partage la narration aussi (mais moins) dans d’autres jeux. Mais ce serait aussi couillon que de refuser d’appeler « jeux de rôle » ces jeux qui ne sont pas les seuls, loin de là, où on joue un rôle 😉
Brand :
Pour les approximations, ça vient du fait que dans certains cas tu donnes à la narration les mêmes caractéristiques que l’autorité (le cas majoritaire de l’article), et quand tu arrives à les distinguer, on en revient à l’idée du premier commentaire de Fekhynn.
Quand tu dis ici « Par exemple, tous les cas très courants où on te demande dans un jeu de proposer quelque chose mais que tu dois le faire avec l’accord du meneur » c’est très révélateur. Car en fait ça représente la totalité des jeux de rôles (après avoir remplacé le trop spécifique « meneur » par « détenteur de l’autorité »)
Et donc, malgré toi, tu es en train de rejoindre la remarque de Grégory Pogorzelski : tous les jeux de rôles partagent la narration.
Podcast très sympa!
Quelques idées/remarques:
Une chose très problématique chez les joueurs c’est leur manque de clarté dans leurs intentions ou réserves par rapport au jeu. C’est pour cela que l’on évite en général les sujets casse gueule car le joueur ne va peut être pas l’exprimer. Sébastien connait le problème, nous l’avons rencontrer dans une campagne commune.
Sinon une idée sympa d’Emily Care Boss pour des jeux où l’intime et les relations entre pjs sont importantes: au début de chaque partie les joueurs se tiennent la main et ferment les yeux en imaginant leurs perso tous ensemble dans la fiction. Cela les mets en condition. On peut le décliner différemment selon les univers et ou les jeux.
Sinon pour la mise en condition que ce soit en tant que meneur ou joueur, j’écoute beaucoup de musique qui vont m’inspirer pour jouer. Cela peut mettre dans le bain aussi.
C’est noté, Doc : la négociation des propositions créatives , donc leur formulation, est justement le sujet principal du Carnet suivant. 😉
J’en profite pour prévenir nos auditeurs qu’on risque d’avoir du mal à publier le CL#15 début janvier :
entre les fêtes, le taf et la quantité de trucs podcastiques qu’on a en train avec Julien Pouard (les interviews des Utopiales, la rubrique Mécanique pour RR, le CL#14 qui est déjà sorti en retard pour des raisons d’agenda), on sait déjà que ça va être chaud bouillant.
M’enfin, même si ça m’embête, je suppose que c’est pas anormal en cette saison.
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Merci pour ce superbe podcast! Ton collègue met pas mal de contraste, Sébastien: c’est très enrichissant.
Bonne fêtes!
Merci : je trouve aussi ! 🙂
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